décembre 20, 2021

Aujourd’hui, en ce 10 décembre, Journée des droits de l’homme, et à la fin des 16 jours d’activisme contre la violence basée sur le genre, nous devons regarder vers l’avenir. En soutenant les femmes du Liban à prendre une part égale dans la société, le pays a une occasion inouïe de prendre des mesures significatives pour répondre à la revendication générale pour des réformes urgentes.

Les enjeux et le coût de l’exclusion des femmes dans l’économie et la politique sont trop élevés pour être ignorés. Pour que cela change, le Liban ne peut plus se permettre d’attendre des réformes avant d’agir sur les questions d’égalité sociale et de justice. Au contraire, les droits des femmes, leur autonomisation et leur intégration dans la société doivent être placés au premier plan du Programme National de Réforme.

Des décennies se sont écoulées sans que les gouvernements successifs n’envisagent qu’une poignée de réformes significatives visant à lutter contre la discrimination et les inégalités systémiques entre les genres qui s’infiltrent dans tous les aspects de la société libanaise et pèsent sur cette société et se reflètent dans les lois relatives à des domaines comme la nationalité et les lois liées au Statut Personnel. Les appels répétés à une réforme pour lutter contre la discrimination basée sur le genre lancés par les mécanismes des droits de l’homme qui relèvent des Nations Unies, tels que la Convention sur l’élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF) et L’Examen périodique universel du Conseil des droits de l’homme des Nations unies sont restés sans réponse.

Des réformes qui pourraient rendre plus de femmes égales aux hommes et moins vulnérables à la violence ont trainé au Parlement et dans toutes les institutions. Leur non-adoption a enraciné la discrimination entre les genres tout en jouant un rôle direct dans l la situation dans laquelle se trouve le Liban aujourd’hui.

De nombreuses études et données recensées au niveau mondial démontrent, de manière solide et sans équivoque, que les sociétés fonctionnent mieux lorsque les hommes et les femmes sont représentées et autonomisées de façon égale. Réciproquement, le choix d’une société d’assujettir les femmes a des suites négatives importantes. Les pays qui choisissent de donner une place secondaire aux femmes ont des systèmes de gouvernance peu performants, expérimentent davantage de conflits, une plus grande instabilité, des taux de performance économique plus faibles, des scores de sécurité alimentaire plus mauvais, des problèmes démographiques plus importants, moins de protection environnementale et un progrès social plus lent que les sociétés dans lesquelles les hommes et les femmes sont davantage égaux.

Le Liban ne fait pas exception à cette règle. Dans un pays qui a traîné les pieds sur un changement significatif au niveau des droits des femmes par rapport à ses voisins régionaux et mondiaux, nous n’avons pas encore vu de réformes significatives liées à la gouvernance, la justice, l’énergie, les services sociaux et la protection sociale et un éventail d’autres problèmes qui sont au point mort depuis la guerre civile.

La redressement économique et social demandera du courage et des actions déterminantes. Il faudra accepter que le statu quo et le fait d’agir comme si de rien n’était, ne produiront pas les résultats dont le peuple libanais a si désespérément besoin. Au contraire, un Liban pacifique et prospère nécessitera d’utiliser et d’investir dans toutes les compétences, idées, innovations et ressources disponibles dans le pays. Cela nécessitera de repenser la façon dont la société libanaise interagit – et d’aider le pays à reconstituer son contrat social.

Cela appellera tout le monde dans le pays à reconnaître et à rendre visibles les acteurs moins visibles œuvrant pour le redressement, la paix et la stabilité au Liban. Cela nécessitera de renforcer le rôle de la société civile, y compris les groupes de femmes et de jeunes, le secteur privé et d’autres acteurs politiques non traditionnels dans le rôle qu’ils peuvent jouer pour soutenir le redressement au Liban. Il s’agira d’aller au-delà des paroles en l’air quant à l’importance de ces nouveaux acteurs pour la paix et de les impliquer de manière significative dans le travail politique et économique que nous effectuons.

C’est un défi de taille. Mais il y a des mesures urgentes qui peuvent et doivent être prises pour ouvrir la voie à cela :

Premièrement, les gens ont des besoins quotidiens qui nous ne pouvons plus repousser plus longtemps. Le déploiement d’un soutien global à la protection sociale est nécessaire de toute urgence et doit être fait d’une manière à faire bénéficier les femmes et les hommes de manière égale et n’aggraverait pas la vulnérabilité des femmes face à l’exploitation. Ce travail est en cours et doit être accéléré.

Deuxièmement, les mesures visant à soutenir l’intégration proactive des femmes dans l’économie doivent être accélérées, comme le prévoit le plan 2019 du gouvernement sur l’autonomisation économique des femmes. Près de la moitié de la population exerce un travail non rémunéré. Ce travail doit être monétisé et ces personnes doivent être soutenues pour entrer dans l’économie rémunérée.

Troisièmement, les femmes sont largement sous-représentées et défavorisées dans le paysage politique actuel. En 2019, le Plan d’Action National de mise en œuvre de la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies sur les femmes, la paix et la sécurité a établi un engagement à débattre des quotas de genre et à les adopter au niveau des organismes élus – pour montrer un engagement collectif à faire les choses différemment et à garantir que nos organismes de gouvernance soient représentatifs. Il existe des précédents au Liban aux systèmes de quotas pour assurer une représentation égale des divisions confessionnelles. Le même principe devrait être appliqué pour garantir la représentation politique des femmes.

Enfin, il est nécessaire de lutter contre la discrimination à l’égard des femmes dans les lois portant sur le statut personnel et d’introduire une possible loi civile sur le statut personnel, fondée sur les principes d’égalité et de non-discrimination. Cela est essentiel pour assurer des règles juridiques égales aux femmes et aux hommes, tout en renforçant en même temps la relation entre l’État et l’individu au Liban.

Nous ne pouvons plus nous permettre une représentation symbolique des femmes au Liban. Le programme de réformes au Liban doit enfin répondre aux appels vieux de dix ans en faveur de l’égalité des genres et des engagements nationaux en matière de droits de la femmes et d’égalité des genres, pour pouvoir réussir et poser les fondements d’un pays rénové et stable.

Source: https://www.lorientlejour.com/article/1284335/les-droits-des-femmes-et-legalite-des-genres-doivent-figurer-au-premier-plan-des-reformes.html